4 questions à … Peter Stephen Assaghle

Le samedi 2 mars s’est tenu à Marseille (France) un évènement littéraire autour des écrivains Peter Stephen Assaghle, Benicien Bouschedy, Cheryl Itanda et Naelle Sandra Nanda. Baptisée Les Apéros littéraires, cette rencontre-concept initiée par Peter Stephen Assaghle, qui gagne en visibilité ambitionne d’engranger un capital de crédibilité dans la promotion de la littérature gabonaise. Pour quelques éclairages, Le Chant de Powê a posé quatre questions à l’écrivain et initiateur de la rencontre. Bonne lecture

Le Chant de Powê : Comment naît l’initiative des Apéros littéraires?

Peter Stephen Assaghle : Pour faire simple, l’idée des apéros littéraires m’a été inspirée par un ami français qui est peintre. Il tenait une galerie et m’avait parlé de son concept dénommé les « Aper’arts », des expositions de peinture, sculptures, dessins qu’ils organisaient lui et d’autres artistes, à l’époque, une fois par mois, autour d’un apéro. Et l’idée m’est venue d’adapter le concept en me posant la question de savoir pourquoi ne pas organiser ce type d’apéros dédié à la littérature en général et gabonaise en particulier. Je me suis ensuite rendu compte que des apéros littéraires existaient déjà en France mais sous différents formats. Je me suis dit, à défaut d’avoir une galerie d’art comme mon ami, je vais me servir de mon appartement, recevoir des amis. Lors de la première date, c’était confus car je ne savais quel format donner à la rencontre. Évidemment, c’est allé un peu dans tous les sens mais de cette première expérience j’ai appris à orienter l’évènement de façon à correspondre à ce que j’avais envie de faire. Ensuite j’ai exporté l’évènement dans d’autres villes de France, au Maroc et ici à Marseille où je réside. Et je réfléchis déjà à d’autres dates et villes.

LCDP : Entre l’Hexagone où a pris naissance cette idée et le Maroc où elle s’est exportée, quels grands enseignements tires-tu de tes échanges avec les lecteurs ?

PSA : Ce que je remarque principalement de ces rencontres ici en France ou au Maroc est que les jeunes – qui constituent la majorité de personnes rencontrées – demandent à lire. Il y a franchement une demande. Mais le problème est qu’aujourd’hui, ils ne trouvent pas forcément ou ils trouvent difficilement de littérature – littérature gabonaise j’entends – à laquelle ils peuvent facilement s’identifier. Il n’y a pas un seul Apéro littéraire au cours duquel la question de la qualité de la littérature gabonaise n’a pas été soulevée, sur son actualité. Par exemple certains ressortent l’argument selon lequel de nombreux ouvrages inscrits au programme scolaire gabonais depuis vingt ans ne correspondraient pas à leurs préoccupations et donc ils ont du mal à s’identifier à eux. En somme, les jeunes louent l’initiative d’aller vers eux mais proposent qu’on leur donne à lire des ouvrages avec des problématiques actuelles. Aussi, ils saluent le fait que ce soient des jeunes écrivains qui aillent vers eux pour les inviter à se dépasser voire à se surpasser en évoquant avec eux des sujets actuels.

LCP : Quel est pour toi le livre idéal qui répondrait à besoin?

PSA : Je ne saurais citer un exemple qui répondrait exactement à la demande des lecteurs. En tout cas, ce qui est sûr c’est que les livres qui reprennent les schémas du genre la chasse avec mon grand-père au village et autres sujets du genre, c’est dépassé. La littérature est obligée de vivre avec son temps. Les préoccupations des jeunes, par exemple : quels sont les sujets qui retiennent l’attention des jeunes. Lorsque j’écris par exemple Ma Mère se cachait pour pleurer, je souligne notamment les enjeux autour de l’inceste notamment le silence et l’impunité dont jouissent leurs auteurs couverts notamment par leur puissance financière ou leur position dominante dans la famille. Par ailleurs, je ne me censure pas d’évoquer l’acte sexuel. Je l’écris tel que je le connais et aussi tel que les jeunes le savent. Je n’ai pas besoin de le cacher. C’est pareil pour la poésie. Quand un jeune vous dit « Ali c’est un c… », le poète doit s’en emparer pour le poétiser, le retranscrire. Il faut s’emparer de cette insolence et de ces audaces. Et c’est ce qui a notamment séduit le public venu nous rencontrer à Marseille. Il s’est retrouvé dans les différents textes présentés.

LCDP : Lorsqu’on regarde les écrivains réunis lors de cet Apéro de Marseille, on peut se poser la question de savoir si pour en faire partie il faut appartenir à une sorte de confrérie. Comment intégrer cette caravane? Et y a-t-il déjà une date pour le prochain Apéro?

PSA : Il n’y pas de billet ou de passeport pour faire partie de cet Apéro littéraire. Ce n’est pas une confrérie non plus au sens sectaire du terme ou je ne sais quoi. C’est un groupe de personnes qui partagent un même idéal, une même vision de la littérature gabonaise. Lorsque j’invite Cheryl Itanda, Nanda, Benicien Bouschedy ou encore Olivier Sogan, Muetse-Destinée Mboga empêchés au dernier moment, ce sont des personnes avec qui je suis sur la même longueur d’ondes : nous partageons l’idéal de promotion de la littérature gabonaise d’abord avant d’aller dans des considérations égotiques, égoïstes de la chose. On sait que forcément, il y a une part d’individualisme dans la littérature parce que chaque auteur cherche d’abord son public. Mais je crois que pour nous c’est, avant toute chose, de redorer le blason de la littérature gabonaise. C’est ce qui nous anime. Que les singularités servent la littérature gabonaise. Tous ceux qui partagent cet idéal sont les bienvenus. Au départ, je voulais créer un espace dédié aux jeunes auteurs. Par la suite, je me suis rendu compte qu’aussi bien dans l’ancienne que dans la nouvelle génération, il y a des imposteurs. Au départ, j’invitais des auteurs sans les avoirs lus. Mais c’est en les lisant que j’ai découvert leur imposture. J’ai donc invité des gens dont les œuvres sont honnêtes intellectuellement, dont les œuvres ont une certaine qualité d’écriture. Dans cette optique, nous prévoyons une escale à Paris très prochainement, en avril. Par ailleurs, si tout se passe bien, nous serons également à Montpellier au cours de ce même mois, à l’initiative de compatriotes regroupés en association. Nous souhaitons nous rendre présents, multiplier les dates et que le projet soit pérenne. 

 

Propos recueillis par BOUNGUILI Le Presque Grand

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