LES HOMMES SANS TERRE

Aux enfants qui n’auront plus de père
Aux femmes qui n’auront plus de mère
Aux vogue-misère suppliciés de notre ère
Aux ossements qui n’auront plus de chair
Aux quatre coins des océans sans repère
Dans la boussole déréglée de la misère
Aux hommes qui n’ont pas de terre
Linceuls errants de chapelets sans prière
Épaves aux Charybdes des frontières
Épitaphes marines sans cimetières
Hommes de terre battue hier
Aujourd’hui hommes de pierre
Sous le fouet des vagues châtiées des mers
Exclus du confluent fraternel des peuples
Poussés au large des sabre-peuple

Terre d’Afrique te voilà dans le sanglot
La douleur de ta mamelle plongée
Dans les barbelés de sel de la Méditerranée
Ravageant dans la crue de tes larmes
La fierté ancestrale de tes rivages
Dans le pas empressé de tes enfants
Marchant sous la contrainte des mers
Par les vents du péril
Par les tempêtes d’exil
Fuyant la laideur entretenue de ton charme
Quand sifflent les sirènes de tes alarmes
Englouties par le retentissant vacarme
Des vagues de l’Occident gendarme

Terre d’Afrique ta tendre progéniture
À peine sortie de tes gisements de fer
Ses pas à peine sûrs de tes savanes fières
À peine trempées des pluies de tes champs pétrolifères
À peine sevrée du lait de tes hydrocarbures
La voilà bouée flottante de détresse humaine
Dans l’indifférence des torches européennes
Biberonnée à l’écume du vent de la désolation
Ses rêves ballotés aux courants de la déportation
Dans les voiles de son utopie
Scellées dans les fers de la Lybie
Un lointain mirage châtie l’horizon
Car dans la perspective des saisons
Au temps des saisons sèches
Comme des saisons des pluies
Aux rives de notre point de fuite
Il n’y a pas d’Humanité pour les hommes sans terre

« Le poète au bord du fleuve »

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