La Liberté est têtue. Le Livre d’un long voyage

La liberté est têtue. Le livre d’un long voyage

Le Chant de Powê s’honore de cette chronique qui vient éclairer la parution du manifeste La Liberté est têtue. Impulsé par le collectif #LoSyndicat, l’ouvrage réunit aussi bien des auteurs de ce collectif que des figures connues ou discrètes de la résistance gabonaise, en vue de parrainer la bibliothèque Imya de Port-Gentil, à travers les fonds générés par la vente dudit ouvrage. 

 

Ce titre, au-delà d’une probable exigence marketing, rend compte de façon pertinente de ce que je viens de découvrir au terme de cette lecture qui m’a permis, le temps d’une après-midi, de sortir du confinement que nous impose la situation sanitaire actuelle. Cette évasion m’a permis de rencontrer des compatriotes en voyage.

Ce voyage qui s’impose en réalité à tout citoyen Gabonais, du fait de l’environnement carcéral généralisé dans lequel vivent les habitants de ce pays, le Gabon, depuis tant de temps déjà, et que Larry Essouma dépeint avec beaucoup de virulence. Ce voyage, il faut le faire, même si on ne l’a pas choisi a priori comme les passagers à bord de ce véhicule aux mains d’un chauffard dont l’inconscience adossée à la méchanceté, expose la vie de tous au péril, et que N.S. Nanda dénonce avec a propos.

Ce voyage, il faut le poursuivre, mais cette fois de façon complètement assumée comme ce piroguier dont parle Le Presque Grand Bounguili. Ce voyage, c’est celui d’une quête, celle de la liberté. Une liberté qui s’arrache comme nous le rappelle Kevyn-Raphaël Sima. Oui, c’est connu de tous, la liberté ne se donne jamais par ceux et celles qui font le choix de la confisquer. « Elle ne se décrète pas » non plus. « Bien au contraire, elle s’arrache ». Elle est une révolution, celle de Sosthène Bounda, celle de tous les opprimés, il faut la conquérir, l’arracher.

Mais comment envisager d’arracher un bien si précieux sans courir le danger de perdre, perdre des amis, des privilèges et même parfois sa propre vie ? Et comment, conscient de tant de risques, s’engager tout de même dans un voyage si périlleux? Voilà de quoi décourager de nombreuses personnes. Joëlle Mpouho et sa sœur Arlette l’ont d’ailleurs bien compris, mais elles sont « têtues ». C’est sans doute pourquoi, comme chacun des passagers ayant consenti à faire ce voyage au-delà de ces dangers, elles pensent d’abord à la liberté de tous « envers et contre tous ». Elles pensent leur liberté de penser en vue de panser les blessures infligées à ce peuple, y compris par des membres de leur famille. Un tel courage force le respect. Elles donnent, aux côtés de Early Ndossi « enfant du système », la preuve que ce voyage n’exclut personne, sauf ceux qui, sur l’autel de leurs intérêts égoïstes, veulent continuer de sacrifier la liberté de tous ; cette liberté qui, selon Lindsay-Gail Ongoundou, participe de la responsabilité morale. Par principe donc, faire ce voyage devient un impératif catégorique.

Et si des nombreuses chutes peuvent décourager plus d’un, Cheryl Itanda nous rappelle que la finalité (la liberté) n’est jamais perdue, elle est simplement différée, il faut donc continuer de pagayer. Il faut le faire aussi avec la force de la foi comme Franck Jocktane, en considérant qu’elle est un ressort puissant pour poursuivre cette aventure, alors même que beaucoup y renoncent. La foi en Dieu, plutôt que de faire obstacle, comme certains faits ont pu, à tort ou à raison le faire penser, est en réalité ce moteur qui propulse le croyant dans ses luttes et en prenant parfois le relais lorsqu’épuisé par trop d’efforts, il ne trouve plus la force physique pour pagayer.

La foi, c’est en fin de compte croire que Dieu est juste et Il est justice. Dieu est juste en ce sens qu’Il justifie l’homme en le rendant juste, en le purifiant de ses péchés lorsque dans un élan de contrition, ce dernier revient à Lui. Il est justice parce qu’Il veut que l’homme vive dans la justice sociale, dans l’équité. C’est pour cela que, sans nécessairement porter la veste de résistant, je trouve un intérêt certain dans le combat noble que mènent les auteurs de ce manifeste.

Jean Davy Ndangha Ndong, Doctorant en théologie.

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