Tendre patrie, je resterai dans ce lit où tu m’as couché hier au soir

Te voilà chère patrie tapie dans l’aube de tes résignés
Vierge effarouchée au seuil d’une nuit de noce avortée
Émiettée dans le désespoir des pétales d’une rose fanée
Sur le blanc miteux d’un lit noirci des nuits blanches du toit de ta chaumière

Te voilà au sol grelotant jetée et battue sans cesse
Aux mains d’un époux ivre de tes ressources
Violée et bafouée à chaque crépuscule par les fils de sa première noce
Que tu allaitas de ton sein généreux et fertile

Te voilà cherchant refuge dans la bravoure de l’entrejambe jouvencelle
D’une poignée ragaillardie de gardes républicains te suppliant de voir le jour
Et de nommer ce jour dans l’épiphanie de ta maternité
Eux s’érigeant à présent gardiens de ton honneur
Cherchant à te revêtir de la dignité du linceul jadis chatoyant de ta patrie

Ô majestueux châle qui autrefois te rendait immortelle
Aujourd’hui hymen défloré de ton innocence patriote !

Ô tendre patrie voilà ta jeunesse rompue au sacrifice
Le courage jeté sur l’autel de ton honneur vacillant
Pour retrouver la tendresse d’une patrie qui jadis les aimait
Ils te soulevèrent peu avant l’aube et peu avant le crépuscule
Ils sombrèrent avec la lumière vacillante de ta fierté
Devenus chrysanthèmes raillés
Fougères captives et zombifiées
Retournées de la face de la terre
Pour malgré leur honneur entacher la dignité de l’innocence

Ô tendre patrie te voilà
Tournesol qui refuse de se tourner dans la marche du soleil
Terre de feu où l’on ricane à la barbe d’une étincelle
Terre de pluie où l’on enterre des rosées avortées avec indifférence
Désert aride de nos espoirs semés dans le vent
Champ où l’on arrache la jeune pousse avant la saison sèche
Océan de misère qui dans sa paisibilité persifle le vent
Qui lui conte tempête jusqu’à ce qu’il ne tombe

Ô tendre patrie tu m’as fait couard
Depuis la gésine de ton pagne ballant
Dans le tonnerre de mon clavier
Étouffant de valeureux appels martiaux
Jetant des ronces de raillerie où seuls des lauriers sont de mise
Je resterai dans ce lit d’où tu m’as tendrement couché hier au soir

Ndjambé Yi Kut’abôngô

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