Aussi haïssable que puisse être une dictature, faut-il applaudir ce coup d’État au Gabon?

La présente tribune vise à répondre à cette question : « Aussi haïssable que puisse être une dictature, faut-il applaudir ce coup d’État au Gabon? »

La déclaration universelle des droits de l’Homme en son article 35 dit ceci : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits ». Il est important de réaliser qu’une dictature même douce n’a pour ambition que de s’éterniser au pouvoir et pour ce faire elle ne recule devant rien. Les méthodes classiques d’alternance ne fonctionnent pas avec elle, pour la simple raison qu’elle ne respecte pas les règles démocratiques quand celles-ci sont en son désavantage.

Les multiples élections organisées dans de nombreux pays d’Afrique centrale en sont la preuve palpable : qu’il s’agisse de mars 2016 au Congo, d’août de la même année au Gabon ou encore d’octobre 2018 au Cameroun, à chaque fois, la dictature a confisqué le pouvoir. Dans ce contexte, est-il sain(t) que des militaires rentrent dans la danse ? Lisez dès lors le somptueux argument : LA GRANDE MUETTE. L’armée doit laisser la politique aux politiciens, elle doit se contenter d’obéir aux ordres. Déjà, tuons l’idée reçue à travers ce détour historique éclairant. Pourquoi l’armée s’appelle-telle la grande muette ? Il faut remonter à la troisième république en France. Adolphe Thiers alors président de la république, fait voter la loi du 27 juillet 1872 par l’Assemblée, interdisant aux militaires le droit de vote. Les officiers n’avaient pas ainsi le droit de voter en raison de la méfiance des républicains à leur égard. Ce qui fait qu’électoralement parlant, les militaires étaient bien muets car ne pouvant pas prendre parti lors des joutes politiques. Ce n’est que le 17 aout 1945 qu’ils obtiennent à nouveau le droit de vote. Depuis ce temps l’armée n’a plus été « muette ». Les militaires sont des citoyens comme tous. Ils ont eux aussi des opinions, des aspirations légitimes, des familles, et comme tous les parents, ils espèrent voir grandir leurs progénitures dans un pays qui leur permet un épanouissement à la hauteur de leur plein potentiel. Pourquoi voudrions-nous alors refuser leur droit à l’indignation quand une dictature vieille de plus de 50 ans leur interdit le rêve et les confine à la misère ? Avant d’être des hommes et des femmes de rang, ce sont des êtres humains doués de conscience, ce sont des citoyens. Et la conscience citoyenne nous commande de nous indigner quand la personne humaine est bafouée. Ce que ces soldats ont fait n’est pas un fait isolé dans l’histoire des peuples comprenons-le bien. Des précédents et pas des moindres ont déjà eu lieu. Lisons l’histoire et réalisons. Le 18 juin 1940, le général de Gaule fait depuis Londres où il s’est réfugié, un appel aux armes, dans lequel il invite les Français à ne pas cesser le combat contre le troisième Reich. Contredisant par là le maréchal Pétain alors chef de l’État qui lui appelait les Français à cesser le Combat et à livrer le pays à l’occupant NAZI. Dans la nuit du 4 au 5 août 1983 au Burkina Faso, alors Haute-Volta, Sankara, un capitaine parachutiste, renverse le gouvernement de Ouedraogo. Le coup d’État fait 13 morts et 15 blessés. Sankara forme un Conseil national révolutionnaire pour gouverner. Il changer le nom du pays de Haute-Volta à Burkina Faso, qui signifie « patrie des hommes intègres ». À la fin des années 1980 au Mali, le mouvement de contestation contre le régime autoritaire de Moussa Traoré. Des grèves étudiantes et syndicales secouent le pays. La répression est brutale, créant un climat d’instabilité qui incite les militaires à renverser Traoré le 26 mars 1991. Le général Amadou Toumani Touré et le Comité transitoire pour le salut du peuple dissolvent l’UDPM et mettent un civil, Soumana Sacko, à la tête du gouvernement. La transition entamée, emmène à l’organisation des élections législatives en 1992. A travers ces trois exemples, on constate que c’est grâce à l’intervention des hommes et femmes en uniforme, que les libertés démocratiques ont été restaurées quelques fois. Bien sûr il y a aussi tout au long de cette histoire, des points noirs. En mémoire, nous avons le tristissime capitaine Dadis Camara qui aura marqué son passage à la tête de l’Etat de Guinée par un massacre innommable le 28 septembre 2009. Pour autant, restons lucides et disons-nous bien que la libération du Gabon est l’affaire de tous ses enfants. Il ne nous appartient pas d’exclure qui que ce soit, du moment que les actes sont posés dans un élan sincère. Applaudissons des deux mains cet acte courageux de nos jeunes compatriotes qui au péril de leurs vies ont osé défier ce régime kleptocrate et assassin des Bongo.

Le chemin de la liberté est long. Chacun essaie avec des fortunes diverses. Mais le plus important est que chacun s’empare du flambeau. C’est ainsi qu’il faut interpréter ces vers de Pierre Akendengue:

N’oublie pas Oh non pas les faux pas Vers la liberté

Il eut le premier Qu’on a vu tomber

Il en eut un autre, puis un autre encore

(…) Un autre… A qui la faute ? Liberté ! Et que dit Dieu ? Au suivant

Nous voulons croire, que ceux qui sont tombés hier, partent en paix avec leurs consciences et que leur départ n’aura pas servi à alimenter les ruminations quotidiennes de ceux qui restent. Nous voulons aussi croire, que d’autres gabonais où qu’ils soient se lèveront et que le peuple dans son ensemble ne se posera pas une fois de trop en spectateur. Oui, le peuple, car c’est de lui qu’il s’agit. Il doit impérativement intégrer que pour sa survie dans ce contexte d’oppression permanente, c’est à lui et à lui seul de donner un cachet légitime à toutes les tentatives qui auront lieu. Il y aura encore des tentatives. Partout dans le pays, les gens s’indignent, ne demandent qu’à se lever. Ils disent donnez-nous les moyens de répondre à ce régime. Chaque fois qu’ils en trouvent, ils se lèvent et vont à l’assaut de leurs libertés. Hier, lundi 7 janvier 2018, des compatriotes bien que désarmés ont osé le déplacement. Ils étaient là, à l’assemblée nationale répondant à l’appel de la patrie. Nous applaudissons des deux mains ce courage et invitons le reste du peuple à se joindre à eux. Ce n’est qu’unis que nous arriverons à vaincre ce régime.

Par Meki me Bore

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