Quand la Movaizhaleine est originale

Dans ce deuxième volet de son dossier consacré à l’emblématique groupe de rap MovaizHaleine, Le Chant de Powê analyse quelques recettes qui ont fait le succès d’estime, artistique et commercial du duo gabonais. En même temps, il s’agit d’explorer et d’interroger la manière de s’énoncer sur scène et à travers sa musique et ses textes. Entre quête de soi et culture d’un entre soi, l’article revisite l’originalité et les limites d’une pensée musicale.

 

Quand la MovaizHaleine est originale

 

Pendant une interview sur Kto TV, Mc Solaar disait toute la logique qui structurait son rap. Cette intervention télévisuelle permettait de comprendre que derrière la musique du plus gros vendeur de rap francophone, il y a un projet duquel émergent les logiques qui orientent les choix musicaux et partant, des textes, etc. Loin d’être une exclusivité à Solaar, on constate qu’elle est la marque des grands noms de la culture urbaine entre 1980 et 2005. Le Wu Tang Clan est également dans cette lignée. Avant d’être un geste rapologique, il est une idée réfléchie, orchestrée par l’intelligence de RZA ; le maître à penser du collectif. Derrière le nom, le type de musique, les choix des rappeurs, il y a une mise en action d’une idée savamment élaborée.

C’est ici que MovaizHaleine est intéressant. Il y a chez ce groupe une réelle démarche dont le rap en tant que musique se fait artistiquement échos. On est loin du hasard, du désordre, de l’improvisation. Au contraire, nous sommes en présence d’une initiative maîtrisée. En effet, il y a toute une construction[1] traduisant des choix réfléchis.

Quête de soi et ressourcement identitaire: la philosophie kémite

Il est évident qu’un individu sensé ne peut se glorifier d’une haleine nauséabonde. Tout ceci pour dire que derrière la dénomination Movaizhaleine réside tout un archétype philosophico-idéologique qui donne sens aux activités de ces artistes. S’il nous fallait définir ce groupe en quelques mots, nous dirions : identité (1), et contre-idéologie (2). Ces maîtres mots organisent leur geste artistique. Ledit geste participe in fine à l’écriture ou la réécriture de soi.

Le vocable « identité » vient indiquer le paradigme afro-culturel en œuvre chez Lord Ekomy Ndong comme chez Maât Seigneur Lion. Les oreilles attentives ont sûrement noté la résonnance implicite de la philosophie « Kémite », celle-ci implique un regard du sujet africain par rapport à son Histoire qui finit par s’assumer conformément à un legs traditionnel provenant des premiers hommes. Plus qu’une simple saisie du passé, il est une réappropriation d’un passé glorieux en concurrence avec l’histoire officielle qui disait le « négro-africain » sans signes de civilisation. Or, des travaux scientifiques inaugurés sur le continent américain et les caraïbes anglophones ont montré toute une richesse politico-culturelle appuyée sur une spiritualité[2] forte. MovaizHaleine s’inscrit ainsi dans la continuité de noms tel George G.M James qui rappelle dans son essai historique L’Héritage volé[3] qui donne une lumière sur le riche fonds culturel négro-africain.

Le groupe assume un passé estampillé de plusieurs civilisations telles la Nubie, L’Egypte pharaonique, l’Empire Kongo, Le Dahomey, Empire du Wagadu-Ghana… C’est en filiation à ces grands noms et l’axiologie qui a conditionné leur façon d’habiter le monde, que le MovaizHaleine appelle à une reconnexion afin de transcender le gouffre mémoriel survenu à cause de l’esclavage et la colonisation. De ces grands noms, les Subsahariens doivent en assumer le legs dans le but de se définir en tant qu’homme. Le titre Héritiers[4] dit longuement à ce sujet en rappelant à l’Africain : « N’oublie pas la noblesse de ton sang/ La longue lignée des reines et des princesses desquels tu descends ». Cette exigence de mémoire s’accompagne d’une glorification de la civilisation négroafricaine qui rétablit une certaine grandeur africaine : « Lorsqu’en Égypte, l’Afrique construit ses pyramides/ En Europe les âmes sortent à peine des grottes ». Cette glorification du passé nègre facilement assimilable aux mouvements intellectuels tels la Négritude ou avant elle la Harlem Renaissance, est également assortie d’un discours de déconstruction d’une certaine rhétorique occidentale : « Fils du premier monde et non du Tiers-monde ».

Il est à préciser que cette Histoire glorieuse est puisée dans des sources de connaissance fiables. Les rappeurs la soutiennent au moyen de références dont la plus célèbre est Cheikh Anta Diop. On peut d’ailleurs entendre des bouts d’interventions du savant sénégalais dans les albums du groupe. Les travaux du scientifique sénégalais et toutes les intelligences en continuité avec ses thèses sont généralement mobilisés. Dans la version initiale du titre Héritiers contenue dans l’album Mission Akomplie, le nom de Cheikh Anta Diop est explicitement nommé. Lorsque ce n’est pas le savant sénégalais qui est mobilisé, ce sont ces disciples qui sont mis à contribution. Ainsi, lors de l’inauguration du Mbandja[5] en France, le groupe a sollicité la présence de Coovi Gomez qui est un érudit africain poursuivant l’œuvre scientifique de son maître décédé en 1986.

C’est l’afro-africanité explique leurs noms de scène « Ekomy Ndong » et « Maât ». Ekomy Ndong est tiré de la cosmogonie Ekang[6]. « Maât » est une intertextualité avec la philosophie afro-égyptienne de la justice incarnée par le concept de la Maât[7] enracine l’individu à cette culture africaine. Et en interview, les deux comparses ne cachent pas leur attachement aux rites séculaires endogènes. Une afro-culturalité traduite sur scène par l’incorporation d’objets propres à l’Afrique et à ses us et ses rites: « chasse mouche », « bracelet », « collier cauris», couronne de raphia, plume de perroquet, flambeau de résine d’okoumé « Mupeto », insertion de scènes de culte bwiti dans les vidéos, etc. Par ailleurs, le vestimentaire urbain moderne cohabite avec le culturel africain[8].

En ce qui concerne « la contre-idéologie », elle vient de la constance à produire un discours toujours à contre-courant de l’idéologie dominante. Beaucoup diront que le rap est par excellence une musique anti-conformiste au regard de sa genèse. Toutefois, nous opposerons à cet avis l’aspect factuel de cette musique aujourd’hui. Plusieurs ne cachent pas leur envie d’en faire une pop-urbaine sans dévoiler leur volonté de vider ce genre musical de sa substance politico-engagée. Sans vouloir jeter le discrédit sur quiconque, Dawala, le patron du Wati-B déclara sans complexe de conduire le rap qu’il produit vers une dimension pop. Les produits de son label obéissent à cette logique. Une succession de tubes travaillés sur des sonorités variées : afro, zouk, coupé-décalé.

A ce rap pop-urbaine s’ajoute un rap engagé sans vraiment l’être. Il se manifeste par des albums sans cause supportés par des talents énervés ; des rebelles qui ne se rendent pas toujours compte qu’ils manquent de cause bien qu’énervés. Ils sonnent hardcore sans être engagés car être hardcore ne veut pas dire s’engager politiquement ; c’est plus une question de forme.

Donc, pour revenir à Movaizhaleine, ce groupe est clairement en opposition à l’idéologie dominante. L’Histoire du noir qu’il chante ne correspond guère à celle que les l’Etats ont institutionnalisée. Ces rappeurs produisent un contre-discours en résistance à l’histoire officielle.

Movaizhaleine est aussi un des premiers groupes gabonais à dénoncer les liens péjoratifs entre l’élite politique africaine et occidentale (Gardiens du temple), à encourager la désobéissance intellectuelle contre les dominants (O nto fas). Ils attaquent ouvertement les tares qui minent le quotidien des gabonais sans craindre de froisser de potentiels fans : Aux choses du pays. Cette chanson est une chronique du vécu gabonais. Archétype du classique musical, elle passe en revue toutes les couches sociales en dénonçant le matérialisme et le tape-à- l’œil : « GSM, grosse voiture costume cravate sous le soleil de la conjoncture », les paradoxes économiques : « pays riche peuple pauvre », les avortements : « aux sacs poubelles où elles balancent neuf mois de souffrance », à la désinvolture sexuelle de certaines femmes : « aux sœurs qui se respectent s’il en reste quelques », etc.

Le rap, dans sa fonction émancipatrice, résonne dans la musique du groupe par cet élan contre l’ordre dominant d’où le nom « MovaizHaleine ». Il est la traduction de « Bad Breath », la première appellation de la formation. On peut mettre cela sur le compte de l’ascendant du rap américain sur les premières générations de rappeurs africains qui ont fini par revenir à des nominations francophones, voire africaines. Le nom MovaizHaleine est l’expression du texte dérangeant l’ordre dominant en question. C’est un verbe libre en quête de vérité qui fait dire au duo qu’il n’est pas un groupe d’animation politique.

Fidèle à ce postulat, les membres du groupe s’engagent en 2016, non pas pour un parti mais en faveur du peuple gabonais en dénonçant une actualité populicide[9]. Que l’on soit d’accord ou pas avec eux, la contradiction civilisée étant de mise, il faut reconnaître au Bad Breath cette caractéristique.

Une couleur musicale déterminée

Cette philosophie culturelle afro-kamite ne se répercute pas seulement dans les textes, la musicalité en est marquée. Le son du groupe est facilement reconnaissable. Lorsqu’on entend du MH, on entend un instrument à cordes qui vient singulariser l’instrumental au point où lorsqu’un groupe gabonais tente de réaliser la même expérience, il est tout de suite soupçonné de plagiat par des mélomanes. C’est dire à quel point ils se sont appropriés cette pratique.

Ce qui est intéressant résulte du consensus que génère le résultat sonore. En effet, il n’est pas tout traditionnel à en rechercher la culture urbaine boom/bap, tout comme il n’est guère exclusivement boom/bap. Il est spécifiquement MovaizHaleine : un concentré des deux et qui capte un public diversifié. À ce titre, il serait intéressant d’écouter ou de réécouter l’instrumental des chansons Aux choses du pays, Mupal na Mukat, Conscientiser, Strictement conscient, La Communauté de la harpe, pour ne citer que celles-là. Cette symbiose est à l’image du groupe. Le résultat est une sonorité musicale hybride qui traduit ce que Emmanuel Molinet nomme une « identité complexe »[10] permettant de conserver la singularité culturelle du terroir gabonais en particulier, du continent africain en général, dans un art globalisant qu’est le rap.

La musicalité est aussi celle de la langue qui la dit. Maât Le Seigneur Lion et Lord Ekomy Ndong n’ont aucun problème à rapper en langue africaine. Bien qu’un morceau comme Hey yah ait un refrain en anglais, les couplets en Ekang et en Mvungu sont magistralement exécutés sans que l’on s’interroge sur l’assemblage. Il n’y a pas de petite et de grande langue car l’équilibre est manifeste. La formule est répétée dans Mupal na Mukat. Là encore c’est une manière d’inscrire leur culture par le biais de la langue dans un monde où la mondialisation peut concourir à l’effacement des individualités et des identités. La diglossie montre l’universalité du rap et la possibilité de l’africaniser.

Le titre O nto fas est la forme aboutie de la maîtrise de la chanson en langue traditionnelle. Et des titres comme Anaconda ou encore Mos za len obéissent à cette logique. Les deux rappeurs montrent à quel point la dextérité du flow rap est compatible avec le réservoir linguistique local. L’Ekang et le Mvungu restituent une technicité parfaitement compatible avec la musique rap. Effectivement, il ne suffit pas de rapper dans sa langue, il faut surtout bien rapper dans sa langue. Les rappeurs ouest-africains ont une avance sur le continent dans ce domaine, cependant, les fans de MovaizHaleine n’ont pas de complexes à nourrir. Le MH excelle dans le genre.

Pionniers des samples, géniaux collaborateurs et entre soi musical

C’est après l’essai concluant de MH avec le titre Aux Choses du pays  que d’autres rappeurs vont réellement juger utile d’aller se ressourcer dans le patrimoine culturel musical gabonais. Bien sûr, des tentatives similaires eurent déjà lieu. À l’exemple de Siya Po’ossi pour ne citer que celui-ci, chez qui on retrouve déjà ces tentatives de réappropriations, même si cela reste timide. Movaizhaleine impose réellement cette marque de fabrique en insérant de nombreuses boucles de l’album Carrefour rio de PCA mais aussi en faisant un clin d’œil à Oliver Ngoma, dans l’album Mission Akomplie. A la suite de MH, Encha’a reprendra « Amone » du regretté Edingo et aussi « Considérable » de PCA. Dans un registre différent, inscrit néanmoins dans la même logique, Amos et son groupe Tech B reprendront le « Boucher » du défunt Mackjoss, Ndjassi et Audrey revisiteront « Amy » d’Angèle Assélé dans le titre « Affaire classée »…

Sur le plan des collaborations, il n’est pas osé de souligner que MH a toujours eu le don de créer l’alchimie avec les différents invités à ses albums. Avec MH, le feat n’est pas qu’un simple assemblage hasardeux ou commercial. Encore moins un simple acte de figuration. C’est ainsi que Bibalou Ngang par exemple est totalement transfiguré sur le titre Indépendance watcha. Mais par-dessus tout, MH a poussé sa logique dans les choix des voix féminines qui viennent restaurer l’image de la femme dont la vocalise est nécessaire à la tenue de certaines veillées cultuelles et/ou initiatiques. Ainsi, Roseen aura gratifié les mélomanes de deux prestations qui ont fait le charme et la valeur discographique du groupe Mission à Mbeng, L’Afrikain. Nous avons restreint l’identification du groupe MH à Lord Ékomy Ndong et Maât Le Seigneur Lion. Mais il est possible d’affirmer que ce n’est que le noyau dur. Au même titre que Chef Kéza, Naneth peut être considérée comme membre du MH. Du moins en esprit. Présentes sur la quasi totalité des projets musicaux de Zorbam, Naneth est intervenue sur les morceaux de MH avec la puissance de celle qui probablement comprend le mieux et partage les idées du groupe : elle aurait été sourde qu’elle les comprendrait forcément. Si nous parlons de génie dans l’art des feat notamment dans l’insertion des voix féminines, c’est aussi qu’à l’opposé, certains ont essayé de mobiliser la même recette avec des succès divers pour ne pas dire moindres. Si Ndjassi s’en tire assez bien avec Wally  en duo avec Stéphanie Afène, ce n’est pas le cas de Massassi lorsqu’il invite AF Batchiellilys.

Par ailleurs, tout en revendiquant une identité foncièrement nègre[11] cela va aussi avec l’insertion dans son discours d’une poétique d’une certaine cosmogonie : celle-ci est faite de lieux entourés de légendes et mystères (La forêt des abeilles ) et de personnages légendaires tels Patrick Nguéma Ndong[12]. La voix de ce dernier conférant à la démarche artistique de MH une certaine part de subjectivité, d’une métaphysique et d’une mystique typiquement africaines (identification aux épopées et rites initiatiques tels bwiti et mvett). Ce qui s’accompagne d’une défiance ironique de la raison occidentale. Ainsi, là où Césaire s’exclamait : « Parce que nous vous haïssons vous et votre raison », MH stipule : « Ce qui fait de l’homme un Homme est avant tout invisible » ou encore « A l’heure où leur science explose le cœur de l’atome, la nôtre explore le cœur de l’homme ». D’où cette invite à casser « les barrières de la réalité » [et] et à rester connecté «  aux terres des merveilles ». Apparu à plusieurs reprises dans les albums MH et dans les projets solos, l’apparition de Patrick Nguema Ndong n’est pas qu’une fantaisie artistique, elle apporte au groupe sa légitimité d’autant que le personnage est inscrit dans le patrimoine culturel africain.

En dépit de ces collaborations, on note paradoxalement, une présence parcimonieuse du duo sur des projets de leurs confrères, comme s’ils cultivaient un entre soi.  Ékomy Ndong n’est curieusement apparu sur aucun album d’un de ses congénères pour des raisons étranges. A contrario, de Kacky Disco à Hay’oe en passant par Tat’ Kombil, Nzanga Mapangou, etc. Maât a été assez présent ou généreux dans les collaborations. Outre le sentiment étrange que cela puisse susciter, ce qui domine, c’est l’impression là aussi d’un gâchis. Sont-ce les autres Mc’s qui ne voulaient pas se frotter à M16 ou bien ce dernier qui rechignait à se mesurer à ses congénères ? Bien évidemment, la distance peut en partie expliquer ce fait mais elle peut bien vite être battue en brèche quand on sait que M16 pouvaient mobiliser du monde notamment pour Droits d’auteurs ou encore Ekon y eko remix de « Mupal na mukat ». Originaux, géniaux mais peut-être un peu trop « perso » ?

L’identité iconographique et le merchandising

MovaizHaleine c’est aussi une image voire une marque. Disons une image de marque. Alors que le street wear n’était qu’à ses balbutiements, le groupe avait déjà une image facilement identifiable et c’est tout naturellement que le logo du groupe se déclinera en marque de vêtements. Et il n’est pas exagéré de dire que revêtir un tee-shirt floqué de la tête criante était plus tendance  ou sinon aussi équivalent que porter un quelconque chandail de marque américaine. Sur les albums de MH, on peut aussi reconnaître une statuette représentant le label Zorbam et celle-ci est souvent précédée d’un logo détourné : en lieu et place de la formule labélisée « préserve la couche d’ozone », on lit plutôt « Préserve la terre mère ». Cet éclairage sémiotique permet de voir que le groupe a essayé de donner une cohérence à une idéologie d’enracinement et de ressourcement. L’iconographie de MH participe par ailleurs à multiplier les stratégies pour étendre sa visibilité en même temps que cela donne une identification singulière du groupe.

Mais il faut avoir été aux concerts de MH notamment ceux de Libreville pour mesurer leur influence. Et nous viennent à l’esprit ces moments forts : le « clash » face à Rââboon en 2001 au gymnase d’Oloumi, les Show du pays (SDP) 2003 avec la participation de Daraa J, ou encore celui de 2006 au sein du collège Charles N’tchoréré. À travers ce qui avait été vendu comme étant un clash, une opposition entre MovaizHaleine et Rââboon, on retiendra surtout l’impact médiatique et les commentaires qui n’ont d’ailleurs jamais cessé afin de déterminer le vainqueur, transformant parfois les fans des deux formations en factions rivales quand les artistes eux-mêmes étaient en dehors de ces querelles de clocher[13]. Ce qui est plus pertinent à retenir est que Movaizhaleine et Rââboon démontrèrent ce soir-là que désormais au Gabon: le rap est le genre musical prédominant, son message mobilise les foules, il peut attirer des sponsors, et donc être une vraie source de revenus non négligeable. En somme, le rap était sorti du ghetto où certains voulaient le confiner ou tentent encore de le renvoyer, au nom d’un purisme clanique, réfractaire et anachronique, pour mieux ruminer leur médiocre tintamarre vanté comme « rap underground ».

Cette capacité de mobilisation, MH l’a confirmée plus tard notamment à travers les deux SDP  sus mentionnés. Face aux rappeurs de la Terranga, les Gabonais s’étaient bien démêlés. Mais un peu comme lors du « clash », il se dégageait du côté du MH une forme de naïveté (inhibé, surpris de découvrir que Daraa J n’avait pas fait le voyage pour rien. Quand au spectacle au Lycée Ntchoréré, on se souviendra encore longtemps de la cohue qui avait envahi les environs. Semblable à un jour « d’action directe » des étudiants de l’Uob, l’événement avait mobilisé une foule immense. Il faut dire que sur scène, on attendait le gratin : Bubal qui venait défendre son album, Wendy, 241…

Finalement le MovaizHaleineine n’est pas uniquement un groupe, il est une petite galaxie. Lord Ekomy Ndong ne disait-il pas qu’en lui se trouvait un monde plus grand que celui de l’extérieur (Afrikan High tech[14]). Elle commence par une philosophie pensée et strictement mise en thème par des textes évocateurs. Depuis plusieurs années, le groupe reste fidèle à sa ligne de conduite en y apportant des données nouvelles. Il est aussi une musicalité qui fait un son reconnaissable surtout lorsqu’il y a l’usage de la harpe et de l’arc en bouche. Ces deux instruments traditionnels font la singularité du son MovaizHaleine conduit par Lord Ekomy Ndong.

MovaizHaleine ce n’est pas qu’un groupe de rap… c’est un tout original considérable.

 

H-W Otata & Le Presque Grand Bounguili

[1] L’idée de construction donne lieu à un travail de constitution idéologique qui vient définir la démarche artistique et le profil artistique.

[2] La spiritualité désigne la recherche de fusion avec la Lumière Divine, la force autonome par qui tout vient : Le Créateur absolu.

[3] Publié sous le titre original « Stolen legacy », cette enquête montre comment la civilisation grecque s’est inspirée des pratiques de l’Egypte antique « négro-africaine », Sématawy, pour construire plusieurs de leurs savoirs. On garde à l’idée la notion d’emprunt bien qu’il y ait eu un travestissement. / Georges G.M. James, L’Héritage volé, Philadelphia, Afrocentricity, 1954.

[4] Le titre revient régulièrement dans la discographie du groupe, c’est dire son importance.

[5] Il est un centre culturel faisant la promotion de la mémoire et des cultures africaines.

[6] Les Ekangs sont un groupe culturel africain retrouvé dans plusieurs pays d’Afrique central dont le Gabon. Ils sont maladroitement appelés les Fangs.

[7] Dans la philosophie afro-égyptienne, globalement, la Maât incarne la justice et les valeurs qu’elle conditionne afin que l’homme se montre digne d’espérer l’Eternité après son passage sur la terre. Elle est le contraire du mal, du désordre, des agissements ténébreux. Cf. Mbog Bassong La Méthode de la philosophie africaine. De l’expression de la pensée complexe en Afrique, Paris, 2007. ou Anna Mancini, Maât. La philosophie de la justice de l’Ancienne Egypte, Paris, Buenos Aires Books international, 2007.

[8] Les clips du groupe portent de plus en plus cette marque de fabrique. Cf. les clips de La CIA wanda, et de la chanson Nous.

[9] Le populicide est un génocide commis sur le peuple. Il peut être mental, culturel, physique. Le terme est utilisé pour la première par Graccus Babeuf (1760-1797) dans Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier, Paris, Nabu Press, coll. « CLS. Nabu », 2019.

[10] Emmanuel Molinet, La Problématique de l’hybride dans l’art actuel, une identité complexe in « Le Portique Revue de philosophie et des sciences humaines » :

https://journals.openedition.org/leportique/2647?lang=en (consulté le 27/08/2019).

[11] Le vocable est ici utilisé au sens militant tel que théorisé par la Négritude.

[12] Animateur vedette, pionnier africain du feuilleton radiophonique (L’Aventure mystérieuse, Triangle, Vous avez dit Bizarre) sur Africa N1

[13] Au cours d’une des émissions de Télé-Midi, Lord Ékomy Ndong déclarera : « Nous, on détient la harpe sacrée. Movaizhaleine n’a remporté ni perdu aucun clash » (nous citons de mémoire)

[14] Chanson du premier album solo de Lord Ekomy Ndong : L’Afrikain.

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