4 question à… Le Chef Anto

Dans ce bref entretien, La Franco-Gabonaise Chef Anto nous parle de la Marque TAMBA et bien plus encore. Depuis quelques jours la chef Anto a lancé une marque de plats cuisinés qui sera bientôt disponible au rayon frais des grandes et petites surfaces de France, et d’Afrique. Chef Anto est l’une de ces audacieuses ayant opté pour un métier durable : La Cuisine. Une cuisine fine qui puise son originalité dans le parfait dosage des produits diversifiés des pays d’Afrique avec une présentation agréable à l’œil et un excellent goût pour le palais. Le Chant de Powê vous invite à la rencontre d’une personne dont le propos n’y vas pas toujours par le dos de la cuillère. Lecture.

 

Le Chant de Powêt : Chef Anto comment vous définissez-vous ?

Chef Anto : Chef Anto est une femme noire passionnée de cuisine et de produits d’Afrique. Elle milite pour la promotion de nos produits. Je me bats pour que nos produits soient reconnus et utilisés en cuisine, pour qu’ils soient valorisés. J’ai décidé d’en faire un combat.

LCDP : Pourquoi la Cuisine ?

CA : Je répondrais pourquoi pas ? Ce n’est pas moi qui ai choisi la cuisine, c’est la cuisine qui m’a choisi. Lorsqu’on a une éducation africaine, Gabonaise cela va quasiment de soi.

En effet, bien que née en France pendant que mes parents étaient étudiants, j’ai grandi au Gabon immergée dans la culture myènè dans laquelle savoir cuisiner, tenir sa maison etc., est important. Ce qui est juste normal dans une éducation africaine de base. Car une fille qui sait cuisiner c’est une fille qui saura tenir sa maison, satisfaire son mari.  La cuisine, au début c’était juste dans l’ordre normal des choses, et au fil des années je me suis rendue compte que j’aimais ça plus qu’autre chose et que c’était une activité qui me détendait, me passionnait et à travers laquelle je découvrais des saveurs.

La cuisine est aussi un lieu de socialisation. C’est dans la cuisine en effet qu’il y avait « le kongossa »[1] et c’est là où on apprend qu’une femme est trompée par son mari, que telle autre n’arrive pas à enfanter, qu’une va se marier, qu’une autre serait enceinte et qu’une autre encore aurait mis son mari dehors. C’est dans la cuisine qu’il y avait toujours une petite histoire et où l’on partageait les astuces pour renforcer l’attachement de son mari (on dit souvent attacher son mari). J’aimais cette ambiance de rigolade dans laquelle ma grand-mère et ma mère expliquaient comment rattraper une sauce qui a été trop salée, ou acidifié ; ambiance dans laquelle des femmes chantaient des airs d’Akendengue. Et au sortir de ça je me suis rendu compte que là était ma place et pas ailleurs.

LCDP : Vous venez de lancer Une gamme de plat Afro au nom de Tamba, que veut dire Tamba et quelle est l’originalité de ces plats ?

CA : Tamba vient de Tambacounda qui est la plus grande ville du Sénégal oriental, donc c’est le diminutif du nom de cette ville. Mon arrière-grand-père était un sénégalais qui a longtemps caché son origine en disant qu’il était gabonais alors qu’il était un immigré sénégalais. Et j’ai hérité de lui cet esprit d’accueil ; être toujours souriante pour accueillir le client. Les Gabonais n’étant pas trop reconnus pour cela je me suis souvent demandé d’où cela me venait.  Et je pense que ce côté hospitalier, soucieux de satisfaire, me vient de là, l’esprit Teranga comme on dit. Vous me demanderez pourquoi une ville du Sénégal, eh bien parce ce que les personnes avec qui j’ai travaillé viennent du Sénégal et quand il a fallu choisir le nom c’est le nom qui est venu et qui plaisait à tous. Ainsi a-t-il été adopté.

Ce qui fait la spécificité de cette gamme est son idée pionnière. C’est la première marque de plats cuisinés francophones que l’on pourra retrouver bientôt dans les rayons de toutes les grandes et petites surfaces au rayon frais. On est parti sur des plats que les gens connaissent c’est-à-dire le Maffé, le Tyou qui est une sorte de Tcheb sans l’être, ensuite le poulet Yassa qui est un sauté de poulet aux oignons confits.

L’originalité c’est que ce sont des plats africains, au rayon frais. Ils peuvent être réchauffés au micro-onde et finit les heures de souffrance. Ainsi, si madame vous dit qu’elle ne cuisine pas, ce n’est pas grave, il y a Tamba. Ça fait longtemps que vous avez goutté aux plats de maman et vous voulez avoir un petit goût d’enfance, Tamba est là. Si vous ne connaissez pas la cuisine africaine et vous voulez la découvrir, Tamba sera là pour vous faire voyager.

Il faut dire que c’est une première en France. Souvent, lorsque vous allez au rayon plats-cuisinés, l’Afrique subsaharienne manque à l’appel alors que les autres régions du monde sont représentées. Par exemple le Maghreb et son couscous, l’inde, la Chine, l’Europe, l’Amérique etc. On a voulu enlever ce rien et proposer quelque chose. Le lancement a eu lieu dernièrement à Leclerc Bois Darcy et les gens étaient hyper contents. Ils ont apprécié tant le goût, que le packaging. Ils trouvaient que c’était bon, que ça donne envie, que ça sent bon et on était content.

LCDP : Votre message à la diaspora Africaine

CA : Je lui demande de ne pas oublier le contient. Quand on voit les autres communautés, chinoises, africaines-anglophones etc. quel que soit l’endroit où ils sont, ils construisent au pays. Et mon message à la diaspora africaine surtout francophone est de rappeler qu’on a beau être établi en Europe ou ailleurs, il reste qu’on n’est pas entièrement chez nous dans ces endroits. Alors il ne faut pas oublier de construire chez nous, de faire des choses chez nous car tout ce qu’on fait ici un jour peut s’arrêter brutalement, on peut nous mettre dehors et avoir à rentrer chez nous.  Je trouve dommage de rentrer et de n’avoir rien sur place. J’ai connu le cas d’une tante qui établit aux Etats Unis pendant longtemps. Elle désirait se faire enterrer au Gabon. A sa mort je vous laisse imaginer lorsque vous n’avez rien construit, que vos enfants arrivent et ne trouvent rien. Vous devenez étranger chez vous, vous ne parlez pas la langue, vous êtes perdus. Je trouve ça horrible et on devient un peu comme la chauve-souris à qui les oiseaux refusent la nature d’oiseau et les mammifères celle de mammifère. A la fin on n’est plus personne. Alors je dis que même si on vit à l’étranger, qu’on y vit aisément, n’oublions pas que l’Afrique c’est chez nous.

LCDP : Votre message à la jeunesse

CA : Mon message à la Jeunesse surtout Africaine, est qu’il faut arrêter d’être paresseux, il est vrai que nos mamans ont tendance à nous couver jusqu’à l’âge adulte, et quand on se retrouve seul on a du mal à se débrouiller seul et même à trouver soi-même une école. Je suis souvent outrée de voir des jeunes gens qui ont le bac à 19 ans, qui savent aller sur les réseaux sociaux, mais qui ne savent pas tout seul chercher une école. La jeunesse est sacrée. Parfois je me dis que si je pouvais revenir 10, 20 ans en arrière, j’aurais tellement plus de choses qu’aujourd’hui. Il y a un proverbe qui dit, « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » si jeunesse savait c’est que souvent on est tellement insouciant qu’on ne se rend pas compte de la chance qu’on a d’être jeune ; si vieillesse pouvait c’est qu’une fois qu’on est vieux, il y a des choses qu’on ne peut plus faire.  Donc je dirais à la jeunesse de profiter, car elle est l’avenir. L’Afrique sera le continent le plus peuplé et la jeunesse est l’avenir et un avenir ça se construit.

LCDP : Merci d’avoir échangé avec nous. Nous vous souhaitons succès dans vos entreprises.

 

Propos recueillis par N.S. Nanda

[1] Ragots, potins dans le langage courant

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