Une certaine presse gabonaise et l’affaire « des enlèvements d’enfants ».

Une affaire fait la une de plusieurs consciences gabonaises tant sur le territoire national qu’en diaspora. Des enfants manqueraient à l’appel dans leur famille au regard de plusieurs photos signalant des disparitions inquiétantes. La plus célèbre est celle du petit Rinaldi Abaga Ngoua, un petit enfant de trois ans soustrait à l’affection de ses parents dans la région de Bitam (Woleu-Ntem). L’émotion est grande sur les réseaux sociaux. Du moins, à ce qui semble. Des jours passent sans que des éclaircissements soient donnés pour calmer les inquiétudes. L’État fait une première sortie par son ministre de la communication, porte-parole du gouvernement, en ne reconnaissant aucune vague d’enlèvements d’enfants. Il n’est porté à sa connaissance que la disparition du petit Rinaldi dont les autorités déplorent la plainte tardive déposée par les parents. La situation s’est dégradée jusqu’à des scènes de justice populaire. Ce qui pousse le gouvernement à réagir en promettant contrôle de véhicules, présence policière renforcée, et une protection des établissements scolaires.

Pendant tout le temps que des réactions s’observaient, que le bouche à oreilles faisait son chemin, les médias locaux publics ou privés ont une fois encore brillé par leur improductivité.

Journalistes ou commentateurs ?

Au sein des groupes de presse, des chaînes de télévision, des stations de radio, de la presse écrite, existe-t-il des journalistes ? Nous parlons de ces gens dont le métier est d’informer à partir des enquêtes de terrain. Peut-on compter sur des professionnels de cette corporation qui réalisent des investigations en questionnant des témoins ? Des professionnels qui recherchent des preuves matérielles pour traiter d’un sujet ?

Ces interrogations interviennent devant les contenus maigres que nous proposent ceux qui portent le titre de journaliste. Elles ne viennent pas mettre en doute l’utilité de ce métier mais plutôt les modalités de sa pratique rigoureuse dans l’espace gabonais. Depuis quelques années nous avons assisté à une augmentation du nombre de média. En effet, de nouvelles chaînes de télévision, de radio, de nouveaux acteurs de la presse papiers ou en ligne apparaissent. On ne peut que se réjouir devant une telle configuration puisqu’elle peut nous faire espérer contradiction argumentée, rigueur dans la quête de l’information pour se montrer crédible dans une compétition saine, une diversification des sources… Cependant, ce n’est pas toujours le cas. On peut même ajouter que les bons élèves sont rares bien qu’il en existe. Il suffit de lire les articles pour constater la superficialité des propos qui ressemblent plus à des « commentaires » qu’à de l’investigation journalistique. Que chacun évalue attentivement la substance des informations livrées pour s’en faire une idée. Vous verrez que le travail sérieux est noyé parmi la multitude des jets rapides transpirant le besoin d’évoquer un fait sans vraiment le traiter en profondeur.

Au lieu d’informer, ils produisent des « commentaires ». Que l’on soit dans l’économie, les faits divers, le sport, la politique, etc., les « nouveaux spécialistes du commentaire » nous servent vite fait leurs positions alors que nous attendons des précisions pour construire nos propres positions. (1) Voici un jeune joueur de football qui est invité pour un stage en France. En trois lignes, on vous le notifiera sans vous dire les raisons qui ont motivé ce stage, sa durée, etc. Parfois, les plus mauvais vous diront que le joueur est dorénavant sociétaire de ce club français (sic) ; ce qui est faux. (2) Un cinéaste gabonais présente un nouveau film. En dehors du titre, du résumé de l’intrigue et du sentiment du réalisateur, vous n’aurez rien d’autres. Rien sur le style du cinéaste, rien sur l’intention derrière le film, rien sur les conditions de tournage… Autant dire un flou artistique sinon journalistique.

Les spécialistes des commentaires officiant dans les organes de presse écrites en ligne ont ouvert l’ère de minimalisme textuel. Ils produisent des énoncés très courts en plus d’être superficiels. Les plus irritants sont ceux qui courent après l’audience du clic, vous promettent souvent de revenir prochainement sans jamais le faire. Des habitudes étranges ! Cela est-il conforme à la déontologie du métier ? Peut-être le saurons-nous un jour. En attendant, nous devrons supporter les copier-coller d’articles d’un site à l’autre ; le même texte réutilisé à la virgule près sans que cela ne dérange personne.

 

Pour en revenir aux enlèvements.

Les commentateurs se sont une nouvelle fois distingués par leur manière de faire. Ils n’ont livré aucune enquête pour dire si les enlèvements relevaient du non-sens ou seraient des faits avérés. Jusqu’à maintenant, nous cherchons un article détaillé, précis, qui nous permettrait de nous faire un avis par rapport à cette situation qui suscite des inquiétudes. S’il existe, la masse des « commentateurs » l’étouffe.

En revanche, il commence à pleuvoir des images vidéo, des papiers « des spécialistes des commentaires ». Ils se contentent des sorties télévisées des ministres de la communication et de l’intérieur. Extraction de quelques phrases fortes pour en faire un titre et le tour est joué. Pour le ministre gabonais de la communication, ils ont braqué pour un grand nombre sur trois points de son discours : « Il n’y a pas d’enlèvement » ; « ceux qui répandent les fausses nouvelles s’exposent à des punitions », « il n’y a qu’une seule plainte officielle ». Certains articles de taille très courte sont fondés sur les citations du ministre sans quoi il ne tiendrait même pas sur dix lignes. Quel professionnalisme !

A cela, ils rajoutent des attitudes moralistes de mauvais goût. Oui, ils font la morale aux gens ! Tenez, après la sortie du ministre de l’intérieur qui indiquait des victimes de lynchage qui seraient innocentes d’enlèvements d’enfants, ils font la morale en critiquant péjorativement des populations. Certains « spécialistes des commentaires » n’ont pas hésité à donner des leçons aux populations qui « auraient tué » un innocent et auraient laissé un autre pour mort. Rien que ça ? Des acteurs dont la profession est d’assurer l’information de la communauté afin qu’elle se fasse un avis précis, qui manquent à leur devoir, et qui viennent distribuer les mauvais points. Si tant est que cela soit vrai ou pas, sachez chers ‘’journalistes’’ que vous êtes en partie responsables.

Un peu d’humilité ne ferait de mal à personne, surtout à ces gens qui arborent le titre de journaliste sans en être à la hauteur. Commencez par remplir la tâche qui est la vôtre avant de vous constituer, pour certains, en juges. Il serait peut-être temps de vous référer aux bons exemples de votre milieu professionnel. Car jusqu’ici vos écrits sont légers.

H. W. Otata

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